Les charges sociales sur dividendes de SARL ont suscité bien des difficultés d’interprétation et d’application. Et des résultats financiers largement contre-intuitifs.

Que savons-nous aujourd’hui ?

I. Faut-il appliquer l’abattement de 40 % au social ?

A. Dès 2013, une opposition entre le texte légal et les commentaires administratifs

À compter du 1er janvier 2013, les dividendes perçus par les gérants majoritaires de SARL, ainsi que leur groupe familial, ont été assujettis à charges sociales, pour la fraction excédant 10 % du total composé du capital social , des primes d’émission et des comptes courants.

Fiscalement, les dividendes étaient alors imposés au barème progressif de l’impôt sur le revenu, après application d’un abattement de 40 %.

La question était donc : ce même abattement est-il applicable au social ?

Non a répondu l’ACOSS, dans sa circulaire du 28 mars 2013, sans d’ailleurs fonder sa position sur aucune base légale. Ainsi, commentant la Loi n°2012-1404 de financement de la sécurité sociale pour 2013, assujettissant désormais les revenus distribués aux travailleurs indépendants, l’administration assène (5.4 de la circulaire) : « Il convient de préciser que pour l’application de ce dispositif, le montant des revenus distribués à prendre en compte est celui avant l’abattement fiscal de 40% ».

Non a confirmé le RSI dans sa circulaire du 14 février 2014, en se basant cette fois sur la spiritualité du texte légal (1.1 de la circulaire) : « La logique de l’article L.131-6 du code de la Sécurité sociale est d’intégrer dans l’assiette des travailleurs indépendants l’ensemble des sommes qui constituent pour eux un revenu. … Le montant des revenus distribués à prendre en compte pour le calcul de la somme à réintégrer est par conséquent le montant brut, avant l’abattement fiscal de 40%. »

Oui, selon notre lecture du texte légal, l’article L 131-6 du Code de la Sécurité sociale, en vigueur le 1er janvier 2013 : le 3ème alinéa disposait que les dividendes étaient pris en compte dans l’assiette des charges sociales « dans les conditions prévues au deuxième alinéa ».

Le second alinéa prévoyait que le revenu d’activité servant d’assiette aux charges sociales était « celui retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu ». Les dividendes étaient alors réduits, pour le calcul de l’impôt sur le revenu, d’un abattement égal à 40 % de leur montant brut perçu (article 158.2 du CGI, en vigueur le 1er janvier 2013). Et aucun des retraitements prévus par le texte, toujours au second alinéa, n’excluait l’application de cet abattement.

Dès lors, si c’est le net imposable qui servait d’assiette aux charges sociales, les dividendes devaient également être réduits de 40 % au social.

B. Les premiers réclamants ont eu raison !

Dès 2013, formations et séminaires nous ont donné l’occasion  de partager cette analyse avec la profession.

Le premier choc passé – la diffusion à grande échelle des deux circulaires précitées avait détourné beaucoup de professionnels de la lecture du texte, tant l’administration était affirmative  – beaucoup d’experts-comptables ont réclamé pour leurs clients. Avec succès !

Pour l’illustrer, nous reproduisons une réponse annulant un redressement de l’URSSAF, après que le client et son expert-comptable aient appliqué l’abattement de 40 % pour renseigner la Déclaration Sociale des Indépendants. Les services juridiques de l’URSSAF admettent finalement l’application de l’abattement, en écrivant : « Après une nouvelle lecture de l’article L 131-6 du Code de la Sécurité sociale, il apparait que la modification effectuée par la Loi … faisait apparaître au 3ème alinéa que les dividendes dont le montant est supérieur à 10% du capital social et des primes d’émission et des sommes versées en compte courant doivent être soumises à cotisations dans les conditions prévues au deuxième alinéa[1]. Cette précision implique la prise en compte de l’abattement que vous avez opéré sur le montant des dividendes 2017 ».

[1] Le soulignement et la mise en gras des caractères figuraient dans le courrier de l’URSSAF. Cette partie du texte est en effet la clé du raisonnement.

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