Comment passer outre le refus injustifié d’un des conjoints à réaliser un acte de disposition si ce refus est jugé contraire aux intérêts de la famille ?

L’article 217 du Code civil devant la Cour d’appel de Lyon

À propos de CA Lyon 4 avril 2017, n°15/04816

Les faits de l’espèce

Époux sous le régime de la séparation de biens conventionnelle.

Procédure de divorce diligentée, et instance en divorce (donc après l’assignation en divorce, laquelle marque le début de l’instance).Achat, en cours d’union, d’un immeuble, en indivision, par les époux, lequel est affecté au logement de la famille (C. civ., art. 215 al. 3).Mme souhaite vendre l’immeuble indivis en question car ses ressources ne lui permettent pas de faire face aux mensualités d’emprunt et charges y afférentes.refuse, mais sans fournir de raisons susceptibles de convaincre ! ; il reste également muet sur ses ressources actuelles, et ne paie pas la pension alimentaire due aux enfants. Il est également dans l’incapacité de payer une soulte à Mme au cas où l’immeuble lui serait attribué dans le cadre d’un partage.Mme demande, non pas l’application du droit commun de l’indivision (C. civ., art. 815-5), mais l’application de l’article 217 du Code civil, texte du régime primaire, lequel dispose :

217 C. civ

« Un époux peut être autorisé par justice à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de son conjoint serait nécessaire, si celui-ci est hors d’état de manifester sa volonté ou si son refus n’est pas justifié par l’intérêt de la famille. 

L’acte passé dans les conditions fixées par l’autorisation de justice est opposable à l’époux dont le concours ou le consentement a fait défaut, sans qu’il en résulte à sa charge aucune obligation personnelle. »

Elle souhaite être autorisée, en justice, à passer seule, un acte de disposition, – la vente du logement conjugal indivis – là où le consentement des deux époux est, en principe, nécessaire.

Position des juges du fond :

La cour d’appel de Lyon, dans la décision commentée du 4 avril 2017, décide que le refus du mari est contraire à l’intérêt de la famille, et par suite autorise l’épouse à vendre seule l’immeuble (« à régulariser les mandats… »).

Observation(s), remarque(s) non exhaustives :

Cet arrêt fait application de l’article 217 du Code civil à des époux, séparés de biens, pour permettre la vente d’un immeuble indivis, ce n’est pas si fréquent, il faut le signaler (jurisprudence assez pauvre sur ce thème) ; les praticiens avertis conseillent d’être très précis dans la demande d’autorisation de vendre (organisation des visites, remboursement du prêt immobilier, sort de l’assurance relative à l’immeuble, sort du prix net de vente – séquestre jusqu’à la fin des opérations de liquidation et de partage -, etc…)

Ensuite et comme indiqué, l’article 815-5 du Code civil aurait pu être invoqué à l’appui de la demande de Mme, lequel vise la protection de l’intérêt commun ; en l’espèce, le conseil de Mme a préféré utiliser un texte relevant du régime primaire, donc du mariage, et se référer à l’intérêt de la famille, ce qui semble assez pertinent ;

Enfin, on aura noté que pendant l’instance en divorce, les textes du régime primaire sont toujours d’actualité car le mariage est toujours en cours (d’où une connaissance, a minima, du déroulement de la procédure dite « contentieuse »), et qu’il est intéressant d’évoquer ce texte-là, même en l’absence d’urgence ;

En outre, et au demeurant, si la notion « d’intérêt de la famille » semble, au stade de l’instance, déjà en déliquescence, la coloration familiale est toujours présente, en arrière-plan.

On notera également que des charges financières excessives ou l’apurement d’un passif conjugal sont des motifs souvent invoqués pour justifier de l’application de l’article 217 du code précité.

Pour terminer sur cette question, c’est à celui des époux qui demande l’application de l’article 217 de démonter le caractère injustifié du refus de l’autre conjoint même s’il appartient aux juges du fond de former leur propre conviction, en procédant « à une appréciation d’ensemble de l’intérêt familial. »