I. Rappel des épisodes précédents

Acte 1 :

Le 25 décembre 2022, par le biais de la publication d’un BOFiP Bercy a :

  • Rapporté la réponse ministérielle COUSIN relative à l’imposition de la rémunération des gérants, minoritaires et majoritaires de SELARL (RM COUSIN n°39397 JOAN 16/09/1996) ;
  • Intégré la jurisprudence du Conseil d’Etat sur l’imposition de la rémunération des fonctions techniques des professions réglementées ou ordinales sans lien de subordination dans le cadre de SELAS et SELAFA (CE n°339822 16/10/2013 et CE n°409429 08/12/2017)

L’instruction ne vise que les professions libérales exerçant en société d’exercice libéral (SEL), sont donc a priori exclues, celles exerçant en société de droit commun (SDC), ce point étant aujourd’hui mis au débat par certains praticiens.

Dans les SEL, il y a désormais lieu de distinguer :

  1. La rémunération des fonctions de direction :

Cette rémunération est imposée dans la catégorie de la rémunération de gérance au sens de l’article 62 du CGI pour le gérant majoritaire de SELARL. Sur le plan social, cette même rémunération relève du régime des travailleurs indépendants au sens de l’article L611-1 du CSS. L’impôt est appelé suite à la suite de la déclaration de revenus, sur la base du montant indiqué en cases 1GB ou 1HB du formulaire 2042.

Cette rémunération est imposée dans la catégorie des traitements et salaires pour les gérants minoritaires de SELARL et les mandataires de SELAS ou SELAFA. Sur le plan social, cette rémunération relève du régime général des salariés en application des 11°, 12° et 23° de l’article L311-3 CSS. Ces cotisations sociales résultent de l’édition du bulletin de salaire et de la déclaration sociale nominative.

  1. La rémunération des fonctions techniques exercées sans lien de subordination (activité libérale ordinale du technicien)

Cette rémunération est par principe imposée dans la catégorie des BNC. Cette rémunération relève des cotisations sociales des travailleurs indépendants. L’impôt est établi par le biais de la déclaration des revenus et plus particulièrement du formulaire 2042-C-PRO, sur la base des montant des déclarés en cases 5HQ et 5IQ pour les bénéfices déclarés en régime spécial (micro-BNC) et 5QC ou 5RC pour les bénéfices déclarés dans le régime de la déclaration contrôlée (réel-BNC)

L’entrée en vigueur de cette instruction avait été initialement fixée au 1er janvier 2023.

Acte 2 :

Le 5 janvier 2013, dans le cadre d’une seconde instruction, l’administration a reporté l’entrée en vigueur de l’instruction du 25 décembre 2022 au 1er janvier 2024 sous condition que les contribuables justifient ne pas être en mesure de se conformer, dès le 1er janvier 2023, au régime d’imposition en BNC.

Acte 3 :

Le 27 décembre 2023, un rescrit a été publié au BOFiP sous la référence BOI-RES-BNC-000136.

  • Dans le cadre de ce rescrit, l’administration a ouvert la possibilité de relever du régime déclaratif spécial, dit « micro-BNC », sauf option pour le régime de la déclaration contrôlée. L’application du régime déclaratif s’applique de plein droit lorsque le chiffre d’affaires issu de l’activité libérale au titre de la précédente année (2022) ou de la pénultième année (2023) est inférieur au seuil de 77 700 € pour l’année 2024.  Pour l’appréciation de ce seuil d’application du régime « micro-BNC », il convient de retenir la rémunération versée par la SEL, en y réintégrant le cas échéant les dépenses professionnelles de l’associé acquittées en son nom et pour son compte par la SEL, au titre de l’année civile précédente et/ou de la pénultième année, qui auraient été déclarées dans la catégorie des BNC si elles avaient été perçues à compter de 2024 (Point 1.1).
  • L’administration a précisé la possibilité de déduire les cotisations Madelin des revenus déclarés et imposés dans la catégorie des BNC (Point 1.2).
  • Le rescrit a abordé ensuite la situation où des honoraires seraient rétrocédés directement par la SEL aux associés d’une société de participations financières de professions libérales (SPFPL), au titre de leur activité professionnelle au sein de cette même SEL (Point 1.3 devenu 1.4 à la suite d’une mise à jour).
  • L’administration a également précisé qu’en dépit de l’imposition des revenus de l’activité libérale dans la catégorie des BNC, l’option pour l’assimilation à une EURL à l’IS n’était pas possible (Point 1.4 devenu 1.5 à la suite d’une mise à jour).
  • En matière de TVA, Bercy a précisé que les rémunérations techniques perçues par les associés de la part de SEL n’entraient pas dans le champ d’application de la TVA. Il en résulte que ces rémunérations ne sont pas soumises à l’obligation de facturation prévue à l’article 289 du CGI (Point 2).
  • En matière de CFE, le rescrit a ajouté que les associés d’une SEL étaient susceptibles d’être imposés à la CFE en leur nom propre dès lors qu’ils exercent une activité professionnelle propre non salariée (Point 3).
  • Enfin, l’administration a abordé le point de l’épargne salariale et nous indique que rien ne s’oppose à ce que les professionnels libéraux exerçant dans une SEL, bénéficient des dispositifs d’épargne salariale en tant que dirigeant dans les cas prévus par la loi, à savoir s’ils ont le statut de présidents, directeurs généraux, gérants ou membres du directoire de la société (Point 4).

Acte 4 :

Le 24 avril 2024, l’administration a publié une mise à jour du rescrit du 27 décembre 2023.

  • Ainsi, le fisc a intégré la liste des charges déductibles par les associés de SEL de leur BNC imposables en renvoyant à la doctrine administrative (BOI-BNC-BASE-40). Il est par la même précisé que les dépenses doivent être exposées à raison des fonctions techniques et ne doivent pas être des charges qui devraient être supportées par la SEL dans le cadre de son exploitation (Point 1.2).
  • L’administration a apporté quelques précisions quant à la déductibilité des primes versées dans le cadre du dispositif « Madelin » régi par les dispositions de l’article 154 bis du CGI, selon que les cotisations sont supportées personnellement par le contribuable (Point 1.3.1) ou par la SEL (Point 1.3.2).
  • La mise à jour du rescrit a également ouvert la possibilité de déduire du BNC imposable les autres cotisations obligatoires et facultatives (Point 1.3.3).
  • L’administration a apporté une précision quant au fait que le professionnel associé d’une société exerçant une activité libérale réglementée n’agit pas en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société (Point 1.5).
  • Dans le cadre de la mise à jour du 24 avril 2024, Bercy a ajouté des commentaires relatifs au traitement fiscal des parts ou actions détenues par les associés d’une SEL. Ainsi, l’associé d’une SEL relevant de l’impôt sur les sociétés peut inscrire à son actif immobilisé les parts ou actions de la SEL dans laquelle il exerce son activité professionnelle. Dès lors, les intérêts de l’emprunt contracté pour les acquérir seront déductibles du revenu imposable du détenteur des parts ou actions dans les conditions de droit commun (Point 1.6).

II. Saisine du Conseil d’État par le CNB (Conseil National des Barreaux)

Le CNB a saisi le Conseil d’État d’un recours pour excès de pouvoir à l’encontre de la doctrine administrative précisant le régime fiscal applicable aux rémunérations des associés de SEL.

L’objectif était d’obtenir l’annulation :

  • S’agissant du BOI-RES-BNC-000136
    • Des trois premiers alinéas du point 1,
    • Du troisième alinéa du point 1.1,
    • Des deuxième et troisième alinéas du point 1.3,
    • Des trois derniers alinéas du point 2
    • Et du septième alinéa du point 3
  • S’agissant du BOI-RSA-GER-10-30
    • Des paragraphes n° 520, 530, 540 et 550.
  • S’agissant du BOI-BNC-DECLA-10-10
    • Du paragraphe n° 110
  • S’agissant du BOI-TVA-CHAMP-10-10-60-10
    • Des deuxième à quatrième alinéas du paragraphe 60
    • Du dernier alinéa du paragraphe 185.

Le Conseil d’État vient de trancher et a rejeté le principe d’une censure totale. Il a cependant annulé une partie du texte.

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