La donation de titres sociaux en nue-propriété ne présente aucun risque fiscal apparent dès lors qu’il n’y a pas de fictivité. Pour mémoire, les dispositions de l’article 974 du Code civil définissent la donation comme  » un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte. « .

Ainsi, si le donateur reprend la chose donnée, le dépouillement n’est pas irrévocable, la donation devient fictive au sens civil, mais qu’en est-il au sens fiscal ? Les plus aguerris vont immédiatement faire le lien avec les dispositions de l’article L64 du livre des procédures fiscales qui dispose :  » Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif […]. « 

Fort de ce préalable, comment doit-on interpréter la mise en place d’un quasi-usufruit une semaine après la cession de titres démembrés suite à donation 2 jours plus tôt… ? C’est la question qui a été posée à une Cour administrative d’appel début juillet 2020 alors que deux arrêts du Conseil d’Etat avaient écarté l’abus de droit (CE du 10 février 2017 n° 387960 et CE du 31 mars 2017 n° 395550)

I. Les faits

Le 1er août 2008, un couple a fait donation à sa fille de la pleine propriété de 296 actions et de la nue-propriété de 1 184 actions de la même société.

Le 3 août, deux jours plus tard, les 1 400 actions ont été cédées à une société holding.

Le 10 août de la même année, le couple a conclu avec la fille une convention de quasi usufruit prévoyant qu’il disposerait du prix de cession des titres démembrés, ce dernier étant versé à titre de prime sur une contrat d’assurance-vie.

II. Position de l’administration fiscale

Dans le cadre d’un redressement effectué fin 2011, le fisc a utilisé la procédure de répression des abus de droit, estimant que l’acte de donation était dépourvu d’intention libérale.

III. La décision

La cour analyse de manière séparée la donation portant sur des titres en pleine propriété et celle portant sur la nue-propriété.

A. Donation des titres en nue-propriété

Il est souligné que l’acte de donation prévoyait un report de l’usufruit sur le prix de vente des titres et une clause de remploi du produit des aliénations par les seuls usufruitiers.

Il est jugé que les clauses de la donation étaient figées à la date de la vente des titres. La convention de quasi-usufruit conclue après la vente ne pouvait produire aucun effet.

Le produit de la cession a été encaissé sur un compte indivis, puis transféré sur des comptes du couple, puis réinvesti en partie sur un contrat d’assurance-vie. Le solde ayant servi au financement du train de vie et à des investissements personnels du couple.

Selon les juges, l’appropriation en totalité du produit de cession des titres traduit l’absence d’intention libérale du couple. L’abus de droit par fictivité était donc bien caractérisé.

B. Donation des titres en pleine propriété

Le produit de la vente de ces titres a été encaissé sur un compte bancaire ouvert au nom de la fille. Mais la quasi-totalité de la somme a été virée au profit des parents. La somme ayant servi à ces derniers de régler des dépenses personnelles et notamment leurs impositions.

Selon les juges, l’appropriation en totalité du produit de cession des titres traduit l’absence d’intention libérale du couple. L’abus de droit par fictivité était donc ici aussi, bien caractérisé.

IV. Analyse

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