Réactions à chaud de deux praticiens spécialistes du sujet. 

SERGE ANOUCHIAN

EXPERT COMPTABLE

ANOUCHIAN

FREDERIC AUMONT

NOTAIRE

AUMONT~1

POUR ACCEDER A LA VERSION PDF, MERCI DE CLIQUER ICI

Une réponse ministérielle a été publiée, le 2 juillet 2013, en réponse à une question posée par Monsieur Jerôme Lambert. Cette dernière visait le cas de la cession concomitante d’un usufruit et d’une nue-propriété à deux acquéreurs différents. (Voir notre newsletter du 3 juillet 2013)

Depuis le début de l’année, de nombreux auteurs et praticiens ont pris position sur cette question, avec des points de vues divergents. BERCY n’a pas jugé bon écouter les nombreuses critiques formulées…

Nous avons demandé, à deux praticiens, Expert comptable et Notaire, SERGE ANOUCHIAN et FREDERIC AUMONT spécialistes depuis de nombreuses années de cette question de nous donner leur réaction à chaud face à cette réponse ministérielle qui nous laisse de glace !

JACQUES DUHEM (JD)       Bonjour Serge, tu as a pris connaissance de la réponse ministérielle Lambert quelle est ta première réaction ?

SERGE ANOUCHIAN (SA)  Cette réponse ministérielle me laisse sans voix et risque de laisser le marché immobilier sans voie.

Faire dépendre la fiscalité du vendeur de la posture de l’acheteur est tout simplement une insulte au droit, à l’économie et …au bon sens.

Au nom de quel principe supérieur, la chasse, respectable, aux abus se permettrait-elle de faire n’importe quoi ?

JD            Pourquoi à ton sens, la solution retenue est-elle inique ?

SA           Le cas présenté au ministre n’est pas le plus emblématique !

Prenons un exemple qui démontrera l’iniquité du texte ET de la réponse ministérielle.

Un brave retraité, Mr Amedé PAN, possède depuis plus de 30 ans, deux appartements, situés à Paris. Il souhaite les mettre en vente afin de partir vivre des jours heureux et ensoleillés sur la plus belle ile du monde: La Corse.

Son agent immobilier, Monsieur Yvan DUVANT, a vite fait de lui trouver deux acquéreurs.

Tout d’abord Madame Annie CROCHE (40 ans) qui achète ce bien pour l’occuper elle –même dans l’espoir de trouver à Paris son Don Juan.

Puis, un sexagénaire, Monsieur TERIEUR, qui souhaite faire un investissement locatif, ayant plus confiance pour remplir sa bourse dans l’immobilier que dans le CAC 40.

En bon père de famille, il souhaite léguer ce bien de rendement à ses deux enfants, Alain et Alex.

Il décide donc d’acquérir l’usufruit de cet immeuble pour une durée de 15 ans, en faisant acquérir la nue-propriété par ses deux enfants, via une SCI.

Un notaire de grande réputation lui apporte ces précisions diaboliques :

1-      Pour la vente à Annie CROCHE : Rien à payer ! Normal, le bien est détenu depuis plus de 30 ans

2-      Pour la Vente TERIEUR, Mr Amedé PAN doit payer sur la partie du prix de vente représentative de l’usufruit (près de 50%), un impôt sur le revenu au taux marginal (pouvant atteindre 45%) augmenté des prélèvements sociaux (au taux de 15,5%) ! Alors que la cession de la partie représentative de la nue-propriété sera exonérée.

JD            En effet, cette présentation imagée permet d’appréhender parfaitement la problématique. Quelle est ta conclusion ?

SA           En clair le régime fiscal du vendeur dépend de l’acquéreur !

Personne n’en avait rêvé, le gouvernement l’a fait quand même !

Ce brave retraité pensera illico que son notaire aura abusé de mauvaise substance !

C’est pourtant la triste, la stupéfiante et l’incroyable vérité actuelle !

Comment faire pour stopper toute les transactions immobilières comme par un coup de baguette magique.

C’est simple comme deux textes idiots et contre- productifs:

-Allonger à trente ans la durée de détention permettant d’obtenir une exonération totale;

-Ecrire des textes abscons et inapplicables.

Gardons l’espoir que les prochaines modifications législatives concernant l’immobilier ramèneront un peu de raison et de bon sens dans ce secteur crucial pour l’économie.

JD            Merci Serge pour ce point de vue que je partage totalement, y compris pour la Corse !.

JD            Bonjour Frédéric, à ton tour, peut tu nous livrer ta réaction sur ce sujet brulant.

FREDERIC AUMONT (FA)         Voici une réponse ministérielle qui malheureusement ne nous surprend pas compte tenu de la schizophrénie ambiante régnant dans les services de Bercy !

Il nous semble que cette réponse va au-delà des intentions du législateur et est contreproductive d’un point de vue économique.

JD            A priori ton point de vue n’est pas très différent de celui exprimé juste ci avant par notre ami Serge… Pourquoi selon toi cette réponse est choquante ?

FA          Le dossier de présentation qui avait été fourni par BERCY évoquait uniquement le schéma de cession d’un droit d’usufruit par une personne pleine propriétaire qui avait vocation à retrouver la pleine propriété aux termes du démembrement. Certes, les travaux parlementaires avaient laissé planer un doute sur les ventes en pleine propriété à deux acquéreurs en démembrement. Mais il semblait néanmoins que la question avait été écartée car ne trouvant pas à s’appliquer.

On voit aujourd’hui que l’administration fiscale prend la liberté d’une interprétation dont on peut douter de la légalité. En effet, c’est la première fois me semble-t-il que la fiscalité d’un vendeur va dépendre de choix qui auront été faits par une autre personne qu’il ne contrôle pas. Autant dire que toutes les promesses de vente devront strictement encadrer les facultés de substitution.

JD            Les objectifs du législateurs sont-ils atteints ?

FA          Absolument pas ! D’un point de vue économique, cette mesure d’une façon générale est totalement contreproductive au même titre que l’est la réforme des plus-values immobilières. En effet, les taux augmentent mais l’assiette taxable disparait !

Pour avoir fait quelques opérations de démembrement, d’une façon générale, le chef d’entreprise qui retirait des capitaux d’une cession d’usufruit les réinvestissaient dans son entreprise et plus généralement dans l’économie. Aujourd’hui, nous avons atteint un seuil où il y a un attentisme général et une stratégie de réduire l’assiette taxable puis éviter une imposition confiscatoire.

Comment avec de telles mesures allons-nous pouvoir atteindre un taux de croissance suffisant nous permettant de rembourser la dette et de créer des emplois pour résorber le chômage ?

JD        Merci Frédéric, on aura donc tout à espérer des futures lois de finances qui pourraient peut être adopter des mesures un peu plus raisonnables et fondées en droit.

 

Cessions d'usufruits temporaires - Plus-values - Revenus fonciers -