L’administration vient de publier le rapport annuel du Comité de l’abus de droit fiscal pour l’exercice 2011. (BOI 13 L 3 12 du 9 mai 2012)

En 2011, le Comité, saisi de 21 affaires, a examiné 18 dossiers au cours des 7 séances qu’il a tenues.

Le tableau suivant, publié dans le BOI permet d’analyser dans le détail d’activité du comité.

NOMBRE D’AFFAIRES AVIS RENDUS

TYPOLOGIE DES AFFAIRES

RECUES EN 2011

TRAITEES EN 2011

FAVORABLES AUX CONTRIBUABLES

DEFAVORABLES AUX CONTRIBUABLES

Droits d’enregistrement

6

6

3

3

Impôt sur le revenu

12

9

7

2

Impôt sur le revenu/droits d’enregistrement

0

1

1

0

Impôt sur les sociétés

2

2

1

1

Cotisation minimale de taxe professionnelle

1

0

0

0

TOTAL

21

18

12

6

Le nombre de dossiers examiné reste limité malgré une augmentation du nombre de saisines au cours des trois dernières années (15 saisines en 2009, 18 en 2010 et 21 en 2011).

En 2011, 50% des affaires examinées par le Comité concerne l’impôt sur le revenu. La moitié restante concerne pour environ les deux tiers les droits d’enregistrement, le surplus étant relatif à l’impôt sur les sociétés.

Pour les droits d’enregistrement, la pathologie est toujours la même: les litiges concernent exclusivement des dossiers de donations déguisées en vente.

Pour l’impôt sur le revenu, les deux tiers des affaires traitées concernent des utilisations abusives de PEA.

A l’occasion de la publication de ce rapport, nous avons rencontré JEAN FRANCOIS PESTUREAU, Expert-comptable et membre du Comité de l’abus de droit fiscal, qui a répondu à nos questions :

 JD       Cela fait trois années que la composition du Comité de l’abus de droit fiscal a évolué (1). La présence d’un expert-comptable, d’un notaire et d’un avocat a-t-elle modifié la méthode d’analyse du comité ?

 JFF          Il m’est difficile  de répondre à cette question comparative puisque, par définition, les « représentants de la société civile » ne participaient pas aux travaux de feu le CCRAD.

 Cela dit, je ne crois pas que la méthode d’analyse puisse avoir beaucoup changé : elle reste bien évidemment juridique et empreinte de pragmatisme.

Par contre, ce qui me semble décisif dans ce dont j’ai l’expérience, c’est la possibilité désormais offerte au contribuable de venir s’exprimer. C’est toujours un moment fécond et le Président G. Bachelier  s’attache à toujours laisser s’exprimer les parties, administration et contribuable, autant qu’elles le souhaitent et pour autant, bien évidemment, qu’il ne s’agisse pas de plaidoiries puisque le comité n’est pas une Juridiction mais une commission administrative.

JD       Concernant les affaires de donations déguisées en vente (2), n’avez-vous pas l’impression de revoir assez souvent la même affaire ? Ne trouvez-vous pas étonnant que des professionnels du conseil soient à l’origine de ces schémas caricaturaux ?

 JFP         C’est vrai, la chose peut surprendre.

JD       Dans l’affaire 2010-15, (3) le comité a examiné un litige relatif à un sursis d’imposition d’une plus-value d’apport de titres dans le régime de l’article 150 0 B du CGI. Deux autres dossiers ont été examinés lors de la première séance de 2012 du Comité. Plusieurs décisions récentes du conseil d’Etat traitent également de cette question. Où se situe, sur ces questions, la limite entre l’application abusive et l’application non abusive du mécanisme du sursis d’imposition?

JFP        C’est effectivement un « must » du Comité.

 Le Comité estime que le placement en sursis d’une plus-value réalisée par un contribuable lors de l’apport de titres à une société qu’il contrôle et qui a été suivi de leur cession par cette société est constitutif d’un abus de droit s’il s’agit d’un montage ayant pour seule finalité de mettre en mesure le contribuable, en interposant une société, de disposer des liquidités obtenues lors de la cession de ces titres tout en restant détenteur des titres de la société reçus en échange lors de l’apport.

Le contribuable poursuit alors un but exclusivement fiscal et recherche le bénéfice d’une application littérale de l’article 150-0 B du CGI à l’encontre des objectifs que le législateur a entendu poursuivre, c’est-à-dire réserver le sursis aux opérations d’apport suives d’un réinvestissement du produit de la cession des titres dans des activités économiques.

L’abus de droit n’est pas caractérisé s’il ressort de l’ensemble de l’opération que la société a effectivement réinvesti pour un montant devant être regardé comme significatif le produit de cette cession dans des activités économiques.

Voilà pour les principes. Quant à leur mise en œuvre, deux remarques sont peut-être utiles :

 1. Il peut s’avérer délicat de définir la notion d’activité économique, notamment dans sa frontière avec les activités patrimoniales professionnelles, ainsi que celle de réinvestissement significatif. La sagacité du Comité et de ses brillants Rapporteurs trouve ici particulièrement à s’exercer.-

2. L’abus de droit doit être démontré le plus solidement possible par l’Administration qui entend s’en prévaloir : la charge de la preuve lui incombe et elle doit s’efforcer d’apporter cette preuve de façon incontestable.

JD       L’analyse du comité relative au taux (CGI, article 1729) de pénalité applicable (4), en cas d’abus de droit, soulève t-elle des difficultés pratiques ?

 JFP     Non, les notions d’initiative principale et de principal bénéficiaire n’ont pas, jusqu’à présent et à ma connaissance, posé de difficultés.

 (1)          L’article 1653 C du code général des impôts prévoit que

« Le comité prévu à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales comprend :

a. un conseiller d’Etat, président ;

b. un conseiller à la cour de cassation ;

c. un avocat ayant une compétence en droit fiscal ;

d. un conseiller maître à la Cour des comptes ;

e. un notaire ;

f. un expert-comptable ;

g. un professeur des universités, agrégé de droit ou de sciences économiques.

Les membres du comité sont nommés par le ministre chargé du budget sur proposition du Conseil national des barreaux pour la personne mentionnée au c, du Conseil supérieur du notariat pour la personne mentionnée au e

et du Conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables pour la personne mentionnée au f.

 (2)          Voir par exemple   Affaire n° 2011-01 concernant Mme et M. F.

Par un acte notarié du 26 février 2007, M. et Mme P. ont cédé aux époux F. la nue-propriété de leur maison pour le prix de 112 500 € (soit 150 000 € en pleine propriété), lequel a immédiatement et intégralement été converti en une obligation pour l’acquéreur de « recevoir dans sa maison, loger, chauffer, éclairer, nourrir, entretenir, vêtir, blanchir, raccommoder et soigner le vendeur et, en général, lui fournir tout ce qui est nécessaire à son existence en ayant pour lui les meilleurs soins et de bon égards. »

Par deux propositions de rectification en date du 18 septembre 2009, l’administration a, d’une part, rehaussé la valeur du bien à la somme de 700 000 € (ramenée à 537 030 € par la commission départementale de  conciliation) et, d’autre part, requalifié cette vente en donation dans le cadre de la procédure de l’abus de droit fiscal prévue par les dispositions de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.

Le Comité a entendu ensemble le conseil du contribuable et les représentants de l’administration.

Il relève que les vendeurs subviennent eux-mêmes intégralement aux besoins de la vie courante, employant à cet égard une aide à domicile alors que l’acte notarié précise que les prestations doivent être effectivement fournies dès la conclusion de celui-ci.

Il note à cet égard que les époux F. ne justifient devant le Comité d’aucune prestation effective, prise en charge de frais ou versement d’une somme quelconque aux vendeurs.

Il constate enfin l’existence de liens personnels et familiaux entre les parties.

Le Comité en déduit que le prix exprimé dans l’acte était ainsi dépourvu de réalité et que l’acte constituait en réalité une libéralité déguisée en cession à titre onéreux.

En conséquence, le Comité est d’avis, en l’état des éléments portés à sa connaissance, que l’administration était fondée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal.

 (3)          Affaires 2011 16 et 2011 17, publiées dans le BOI 13 L 2 12 du 7 mai 2012.

 (4)  Selon l’article 1729 du code général des impôts,

« Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de :

a. … ;

b. 80 % en cas d’abus de droit au sens de l’article L. 64 du livre des procédures fiscales ; elle est ramenée à 40 % lorsqu’il n’est pas établi que le contribuable a eu l’initiative principale du ou des actes constitutifs de l’abus de droit ou en a été le principal bénéficiaire ;

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