Analyse par PASCAL JULIEN ST AMAND

Notaire, Président du groupe Althémis

 

POUR ACCEDER A LA VERSION PDF MERCI DE CLIQUER ICI

 

De très nombreuses lois sont venues au cours de la dernière décennie modifier le régime des pactes Dutreil. L’administration fiscale s’était elle aussi essoufflée face à une telle production législative. Des commentaires administratifs étaient attendus depuis longtemps par les praticiens.

Deux instructions publiées en mars 2012, ainsi que le BOFiP publié à l’automne 2012, complété par diverses réponses ministérielles pares depuis, apportent des confirmations et des éclaircissements.

 

Nous vous proposons sur ce thème l’interview de Maître Pascal Julien St Amand, Notaire à Paris, Président du groupe ALTHEMIS.

 

 

JD           Cher Pascal, tout d’abord je te remercie de bien vouloir répondre à ces quelques questions.

Il existe deux types de pactes Dutreil : ceux concernant les donations et les successions et ceux concernant l’ISF. Peux-tu nous rappeler brièvement leur mode de fonctionnement et l’intérêt de ces outils ?

 

PJSA      Que ce soit en matière de mutation à titre gratuit ou d’ISF, les engagements Dutreil permettent réduire de 75% la base imposable. On rappelle qu’une réduction de base imposable des trois quarts est encore plus efficace qu’une réduction de droits de la même proportion lorsque l’impôt applicable comme c’est le cas en donation succession et ISF est un impôt progressif. L’importance de l’enjeu est de taille, ce qui justifie que le régime de faveur soit subordonné au respect de certaines conditions. Elles sont au nombre de trois :

  • Un engagement collectif de conservation portant sur au moins 34% du capital de la société (sociétés non cotées) ou 20% (sociétés cotées),
  • Un engagement individuel de conservation et
  • L’exercice d’une fonction de direction.

 

En matière de mutation à titre gratuit, l’engagement collectif est d’une durée au moins deux ans et doit être en cours au jour de la transmission. L’engagement individuel est d’une durée d’au moins 4 ans commençant à courir à compter de la fin de l’engagement collectif. La fonction de direction doit être exercée pendant toute la durée de l’engagement collectif et pendant trois ans à compter de la mutation à titre gratuit.

 

En matière d’ISF, l’engagement collectif est d’une durée au moins deux ans. L’engagement individuel n’a pas de durée minimale, mais la durée globale de l’engagement collectif et de l’engagement individuel doit être d’au moins six ans. La fonction de direction doit être exercée pendant une durée minimale de cinq ans à compter de l’entrée en vigueur de l’engagement collectif.

 

 

JD           Quels sont les principaux apports de la doctrine administrative ?

 

PJSA      L’administration a apporté plusieurs clarifications bienvenues.

 

En premier lieu, elle précise que le bénéfice du régime de faveur n’est pas subordonné au caractère exclusif de l’activité éligible. L’activité industrielle, commerciale, artisanale, libérale ou agricole ouvre droit au bénéfice de la réduction partielle dès lors qu’elle est exercée à titre prépondérant, critère que l’Instruction définit.

En second lieu, elle autorise désormais le maintien du régime de faveur même en cas de cession de titres par l’un ou plusieurs signataires, si le pourcentage minimal requis est toujours respecté.

Bercy :

–  apporte également des précisions sur la possibilité d’apport des titres couverts par l’engagement à une holding pendant l’engagement collectif et précise les modalités d’apport avec soulte.

– précise également le champ d’application des opérations autorisées et interdites pendant la durée de l’engagement, en particulier en présence de sociétés interposées.

– confirme enfin la non-application de l’engagement réputé acquis en cas de détention de la société éligible par le biais d’une ou plusieurs sociétés interposées.

 

JD           Quelles sont, à tes yeux, les carences de cette même doctrine administrative ?

 

PJSA      Il reste certaines zones d’ombre. J’en citerai quelques-unes. Les sociétés unipersonnelles (EURL, SASU) relèvent de l’article 787 C, mais dès lors que la société compte un deuxième associé, la société relève de l’article 787 B. l’articulation entre les deux régimes est alors pleine d’incertitude.

 

L’instruction ne vise pas expressément la possibilité de bénéficier de la réduction de droits de 50% en cas de donation de la pleine propriété de titres par un donateur de moins de 70 ans dans l’hypothèse de la détention de la société éligible au Dutreil par un ou deux niveaux d’interposition. Or ce point est essentiel, car le texte de loi semble l’écarter, la lettre de l’Instruction également, même si l’on peut essayer de voir dans une autre instruction fiscale parue dans un autre domaine peu de temps avant un argumentaire, qui malheureusement ne peut convaincre les puristes.

 

Dans certaines situations, l’administration fiscale ajoute au texte. Il en est ainsi en matière d’ISF par exemple, lorsqu’elle exige une prorogation de deux ans de la durée des fonctions de direction en cas d’entrée d’un nouvel associé dans l’engagement, alors que le texte ne prévoir que la prorogation de deux ans de l’engagement collectif. Il en va de même lorsqu’elle prévoit en cas de cession entre signataires de titres couverts par l’engagement de la remise en cause de l’exonération pour le cédant (Rép. Min. Moyne Bressand, JOAN 13 août 2013, n° 19550)

 

Inversement l’instruction semble autoriser parfois des opérations qui vont à l’encontre de la lettre et de l’esprit du texte. Il en est ainsi par exemple de l’absence de remise en cause en cas de cession pendant l’engagement collectif par une société interposée des titres couverts par l’engagement au profit d’un autre signataire, alors même qu’une telle cession réduit la participation de la société interposée ce qui est interdit par ailleurs.

 

Nous remontons par de nombreux canaux (profession notariale, FNDP, députés, etc…), les propositions de correction de ces imperfections.

 

Il existe donc encore quelques zones d’ombre, ce qui ne retire rien aux apports incontestables des instructions en matière de clarification des conditions d’application de ces régimes de faveur.

 

 

JD           Compte tenu des nombreuses évolutions législatives certains pactes signés, il y a quelques années, ne risquent-ils pas de poser problème ? N’y a-t-il pas une nécessité de revoir les pactes anciens ?

 

PJSA      Il y a en effet certains assouplissements désormais validés expressément par les Instructions qui peuvent conduire à adapter la rédaction de pactes antérieurs ou encore à adapter les solutions initialement mises en œuvre. Certaines évolutions s’appliquent automatiquement aux engagements en cours, d’autres requièrent une adaptation des engagements par avenant enregistré fiscalement.

 

 

JD        L’engagement de conservation pouvant être réputé acquis, quels sont les avantages dans cette situation de la signature d’un pacte ?

 

PJSA      En premier lieu, rappelons que l’engagement réputé acquis ne peut s’appliquer qu’en cas de détention directe des titres de la société éligible au bénéfice du régime Dutreil. Il est exclu en revanche en cas de détention par un ou deux niveaux d’interposition. Par ailleurs lorsque l’engagement réputé acquis s’applique, il existe une incertitude sur la possibilité pour le donateur de remplir la condition de direction après la mutation à titre gratuit. En effet, les  dispositions de l’article 787 B imposent que cette fonction soit exercée par l’un des signataires de l’engagement collectif ou par l’un des donataires, héritiers ou légataires. Or le donateur n’est pas signataire de l’engagement (puisque celui-ci n’existe pas). Une telle approche imposerait alors de choisir un dirigeant parmi les donataires, ce qui pas toujours une solution aisée. Nous avons également sur ce point demandé que soit confirmée la possibilité pour le donateur d’exercer la fonction de direction.

 

JD      Les  prélèvements fiscaux sur le patrimoine ont été considérablement augmentés au cours des dernières années et plus particulièrement ces derniers mois. En conclusion, ne pourrait-on pas dire qu’il subsiste encore un coin de paradis fiscal pour la transmission à titre gratuit des PME ?

 

PJSA      Indiscutablement. Le régime Dutreil en matière de transmission d’entreprise, mais aussi en matière d’ISF, reste l’une des principales zones d’optimisation en droit fiscal français. Qu’un couple marié de 60 ans ayant trois enfants puisse leur transmettre la nue-propriété d’une entreprise de près de 5 M€ en franchise de droits de donation est  tout à fait remarquable. La création de richesse et d’emploi est ainsi protégée. On est surpris cependant de constater que plus de dix ans après l’entrée en vigueur des premiers textes en la matière, ceux-ci restent aussi méconnus par les chefs d’entreprise. Les conseils ont donc un rôle important à jouer pour diffuser la bonne parole.

 

Pascal, je te remercie pour ce précieux éclairage. Je vais avoir le plaisir de te retrouver prochainement pour co-animer à Paris, les 12 septembre et 12 novembre 2013 une journée de formation consacrée à l’actualité fiscale de la gestion et de la transmission du patrimoine professionnel. Tu développeras ce jour-là, notamment les aspects pratiques des sujets évoqués ci-dessus.

 

DETAILS ET INSCRIPTIONS: CLIQUEZ ICI

 

 

Pour aller plus loin, VOIR NEWSLETTER 13 130 du 30 août 2013

Pactes DUTREIL

Un régime d’un intérêt indiscutable … Mais des contraintes à ne pas sous-estimer !

 

 

 

 

 

 

Pacte réputé acquis;Pacte posthume - Pactes Dutreil;ISF;DMTG;Obligations déclaratives;Cessions de titres - Sociétés interposées -